La petite Jennifer O’Reilly naquit un beau jour d’été à New York. Le 20 aout plus précisément. Et si on voulait être encore plus précis, on dirait qu’elle était née à 3h10 du matin. Oui, on dirait bien que la petite brune avait déjà son petit caractère dès la naissance. Pourtant on ne pouvait trouver de parents plus fiers et plus heureux que Kim et Patrick O’Reilly à ce moment là. Jen était leur petit miracle. Cela faisait 15 ans qu’ils étaient mariés et désespéraient de devenir parents un jour. Et voilà qu’à 38 ans, Kim tomba enceinte. Leur fille devint vite le centre de leur monde. Pourtant, elle n’était pas gâtée loin de là. Elle vécut une enfance tout ce qu’il y a de plus normal.
Jen était une enfant précoce. A l’âge où tous les autres apprenaient à parler, Jen arrivait à tenir une conversation que ce soit en mandarin ou vietnamien avec sa mère qu’en gaélique avec son père. A l’âge où les autres apprenaient à compter, la petite fille connaissait déjà ses tables de multiplications et s’amusait avec son père à faire des concours de calcul mental. Pourtant, la petite fille n’en oubliait pas de s’amuser comme tous les enfants de son âge. Malgré son intelligence, la fillette restait très… enfantine aimant s’amuser par-dessus tout.
Avec son avance, il était donc normal que la petite Jen sauta plusieurs classes. Si sa mère eut peur pour elle, elle se rassura très vite voyant que sa fille s’adaptait très bien. Elle avait un caractère tel qu’il était impossible de lui résister. D’ailleurs soit on l’aimait soit on la détestait. Pas de demi-mesure avec elle mais elle s’en fichait un peu. Du moment qu’elle s’éclatait c’était le principal.
Ce fut à cette époque qu’elle connut son premier malheur. Son père tomba gravement malade, d’une maladie génétique qui n’avait pas été détectée avant. L’adolescente qu’elle était alors apprit à faire des allers retours à l’hôpital. C’est en voyant le dévouement des médecins qui soignèrent son père que la vocation de Jen apparut. Elle voulait devenir médecin pour soigner les personnes, elle aussi. Son père mourut quelques mois après avoir été diagnostiqué. Sa mère en fut tellement bouleversée que pendant les mois qui suivirent, elle fut incapable de faire quoique ce soit. Ce fut Jen qui prit la relève, s’occupant de sa mère comme elle le pouvait. Cette épreuve la fit mûrir plus vite et c’est ainsi qu’elle s’assagit quelque peu. Malgré son malheur, elle ne se renferma pas sur elle-même. Elle restait la jeune fille qui aimait rire et profiter de la vie. Avec la mort de son père, elle avait compris que la vie pouvait vous être enlevée à tout moment et qu’il fallait donc en savourer chaque instant.
Elle travailla encore plus afin d’obtenir une bourse pour l’université de Stanford en Californie. Elle aurait très bien pu prétendre à Harvard mais Jen voulait partir de New York pour voir un peu autre chose. Pour elle, c’était une évidence que sa mère allait la suivre. Après tout, elle n’avait pas encore 16 ans et les aurait tout juste en entrant à la fac. Mais sa mère décida de repartir auprès de ses parents en Asie. Elle fit donc le cadeau à sa fille de l’émanciper afin qu’elle puisse partir faire ses études. Ce fut un nouveau coup dur pour Jen. Elle avait l’impression que sa mère l’abandonnait à son tour. Mais elle voyait bien que Kim O’Reilly avait perdu le goût de vivre à la mort de son mari. Elle avait juste espéré que sa mère puisse repartir de zéro en Californie avec elle. A 16 ans, Jen Walker commençait donc un nouveau chapitre de sa vie.
Elle partit tout de même en Californie avec sa mère qui l’aida à s’installer et qui la bombarda de recommandations avant de partir vers son continent d’origine. Jen avait des nouvelles de sa mère régulièrement jusqu’au jour où ses grands-parents lui apprirent que Kim s’était éteinte, emportée par son cancer. Ces derniers lui révélèrent que sa mère était au courant depuis longtemps de sa maladie mais n’avait pas voulu le dire à sa fille pour ne pas lui faire revivre ce qu’elle avait vécut avec son père. C’était pourquoi, elle avait préféré lui donner son émancipation et lui permettre d’être indépendante le plus tôt possible. Ce fut très dur pour la jeune fille et elle faillit un instant perdre pied en envoyant tout valser. Elle en voulait à la terre entière et plus particulièrement à sa mère de l’avoir privée de ses derniers instants. Pourtant comme toujours, elle se releva plus forte que jamais.
Respectant la promesse faite à sa mère, Jen travailla d’arrache pied pour obtenir les meilleures notes possibles et fut tout naturellement acceptée en faculté de médecine. Elle avait 20 ans et était l’une des plus jeunes sinon la plus jeune de sa promo. Bien que n’étant pas dans le besoin – ses parents lui avaient laissée un bel héritage – Jen voulu travailler à l’hôpital en dehors de ses cours afin de commencer à s’imprégner de l’ambiance médicale. La brune commença donc en tant qu’aide soignante. C’est ainsi qu’elle le rencontra. Ben Walker...
Ben était pompier. Au début, elle ne faisait pas très attention à ce grand brun qu’elle croisait assez souvent. Ils n’échangèrent que des petits sourires sans s’adresser la parole. En fait, Jen était tellement absorbée par ses tâches qu’elle ne voyait pas grand-chose en dehors. Ils s’étaient peut-être rencontrés à l’hôpital pourtant ce fut dans un tout autre endroit que Jen vit vraiment Ben.
Elle s’était laissée entraînée dans une fête par sa colocataire, une fête organisée par les pompiers du quartier. Non pas qu’elle n’aimait pas faire la fête, Jen restait Jen. Celle qui aimait s’amuser et qui adorait sortir. Mais voilà, elle avait apprit à le faire moins et à se concentrer sur son but. Mais une fois sur place, elle se laissa vite gagner par l’ambiance et se retrouva vite sur la pette piste de danse improvisée. Cela faisait un bail qu’elle ne s’était pas éclatée de la sorte. Alors qu’elle s’était éloignée pour aller se chercher à boire, elle percuta un jeune homme et lui renversa son verre sur sa chemise. Se répandant en de plates excuses, elle remarqua que le jeune homme en question la dévisageait avec insistance. Fronçant un peu les sourcils, elle se demanda ce qui lui prenait et s’apprêtait à le remettre à sa place lorsque ce dernier prit la parole.
« Vous ne vous souvenez pas de moi n’est-ce-pas ? »Le regardant de plus près, Jen lui trouva un air étrangement familier mais n’arrivait pas à le situer. Le brun lui fit un petit sourire et c’est là que la mémoire lui revint
« Vous êtes Monsieur le Pompier ! »Éclatant de rire, il lui répondit
« Ben suffira Mademoiselle l’Aide Soignante »Lui souriant en retour, elle rétorqua
« Jen suffira… »Ils passèrent le reste de la soirée à discuter. En fait, ils passèrent le reste de la nuit à discuter. Ils parlèrent de tout et de rien, de leur enfance, de leurs vies actuelles, de leurs rêves… Ben faisait son entrée officielle dans la vie de Jen pour ne plus la quitter.
« Je te dis qu’il y a quelque chose qui cloche à la Neo Corp ! Pourquoi tu ne me crois pas ?! »Pour toute réponse, Ben lâcha un petit soupir. Ce n’était pas la première fois que Jen lui disait un truc de ce genre. Depuis le temps, il avait appris à ne pas contredire sa femme quand elle était dans cet état. La regardant, il ne put s’empêcher de sourire. Malgré les années, elle n’avait pas changé et restait toujours aussi belle. Il se rappelait encore de la première fois où il l’avait vu à l’hôpital. Elle portait cet horrible uniforme rose et poussait une vieille dame sur un fauteuil roulant. Elle avait éclaté de rire en passant à côté de lui sans le voir et il s’était dit qu’il n’avait jamais entendu un son aussi mélodieux. Ils s’étaient revus plusieurs fois mais il n’avait jamais osé l’aborder se contentant de l’admirer de loin et de lui faire de temps en temps un petit sourire. Il se savait idiot mais cette fille lui plaisait vraiment et il ne savait pas comment faire pour attirer son attention… Jusqu’à ce fameux soir. Un verre de punch renversé, une chemise de foutue mais il avait trouvé la femme de sa vie. A ces souvenirs, il sourit de plus belle s’attirant les foudres de sa belle.
« Qu’est-ce que t’as à sourire comme un idiot ?! Est-ce que tu m’écoutes au moins ? »L’attirant contre lui, il la serra tendrement dans ses bras avant de lui murmurer
« Je t’écoute mais ce n’est pas à moi qu’il faut que tu dises ce genre de chose ma chérie… Et si on passait à autre chose ? Hein qu’en dis-tu ? »Jen ne put s’empêcher de rire en entendant les derniers mots que son mari avait prononcés sur un ton plein de sous entendu. Cela faisait maintenant presque 8 ans qu’ils se connaissaient et ils étaient mariés depuis 5 ans. La jeune femme avait trouvé en Ben l’homme idéal, celui qui lui correspondait. Ils s’étaient très vite installés ensemble après cette fameuse nuit. Ben était d’un soutien sans faille pour la jolie brune, l’encourageant dans ses études et même après quand elle a voulu faire de la génétique une de ses spécialités. Il savait pourquoi, elle avait choisi cela et ne l’en encourageait que plus.
Pourtant elle ne travailla pas tout de suite en tant que généticienne. Elle avait d’abord travaillé à l’hôpital en tant que médecin et c’était grâce à Joshua, l’ancien co-équipier et meilleur ami de Ben, qu’elle avait pu décrocher un poste dans l’équipe de Trisha Wayner à la Neo Corporation. Trish et elle étaient rapidement devenues amies et avec Charlotte Hawkins, elles avaient constitué un petit trio inséparable. Pourtant, plus le temps passait et plus des choses dérangeaient Jen. Ce n’était que de petits riens au début. Des données qui s’égaraient, des résultats un peu déroutants…
Sous l’impulsion de Ben, elle finit par en parler à Trish mais devant l’indifférence de celle-ci, Jen ne put en supporter davantage. Elle accusa sa chef et amie de négligence et claqua la porte à la Neo Corp sans un regard en arrière rompant par la même occasion tout contact avec elle. Jen ne regrettait pas ce qu’elle avait fait. Ses seuls regrets étaient d’avoir perdue une amie et d’avoir peut-être causé du tort à Joshua. Mais le meilleur ami de son mari – qui était devenu un de ses amis le plus proche – la rassura en lui disant que ce qui se passait dans les bureaux et autres laboratoires ne le concernait en rien. Il ne lui demanda pas d’explications ni les raisons de son départ. Ben, comme toujours, soutint sa femme dans sa décision et même si il ne comprenait pas pourquoi elle faisait tout un plat pour ce qu’il considérait comme pas grand-chose… Il fut bien obligé de reconnaître ses torts lorsque survint l’explosion qui allait changer leur vie à jamais.
Les flammes les entouraient... Jen regarda Ben puis ses mains avec horreur. Qu’est-ce qui venait de se passer ? Pourquoi des flammes étaient-elles sorties de ses mains ? Ce n’était pourtant qu’une autre dispute. Ils en avaient connus des tonnes depuis leurs débuts sauf que cette fois-ci avait été plus violente que les autres. Jen était vraiment en colère et tout d’un coup sans qu’elle sache le pourquoi du comment, des flammes étaient sorties de ses mains et avaient commencé à monter sur les murs de leur petite maison. Le premier instant d’horreur passé, les réflexes professionnels de Ben revinrent vite. Il poussa sa femme – encore figée par ce qui venait de se produire – et essaya de trouver une sortie qui n’était pas bloquée par le feu. Ce qui se passa ensuite resta flou dans la mémoire de Jen. Une poutre s’était effondrée et avait heurté le front de la jeune femme l’assommant à moitié. La dernière image qu’elle eut était Ben la tirant hors des lieux de l’incendie.
Jen se réveilla à l’hôpital n’ayant que des bribes de souvenirs. La première personne qu’elle vit n’était pas Ben mais Joshua. Ce dernier lui apprit l’impensable. Ben était mort dans l’incendie. La nouvelle anéantit la jeune femme qui resta prostrée des jours durant. Elle n’avait parlé à personne de ce qui s’était réellement passé. Elle se sentait responsable de la mort de son mari, de sa meilleure moitié. Mais elle avait compris par la même occasion qu’elle était devenue une de ces mutantes qui étaient traquées partout en ville.
L’instinct de survie se réveilla alors et Jen passa les mois qui suivirent cloitrée dans un appartement. La nuit tombant, elle se glissait hors de l’immeuble et squatta un autre immeuble abandonné pour s’entraîner à maîtriser son pouvoir. Au prix de nombreux efforts, elle y parvint à peu près mais la jeune femme se savait toujours en danger. Il suffisait d’un seul faux pas pour qu’elle soit à son tour traquée comme une bête. Elle essaya donc de reprendre un semblant de vie. Reprit son travail.
Mais elle se tenait sur ses gardes, ne parlant à personne de son pouvoir. Même pas les personnes qu’elle considérait comme ses amis. Personne ne devait savoir… Jamais.