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| | Sujet: How much do you care? | Mer 8 Avr - 20:43
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| Shane Coburn Ce n'était pas parce qu'il avait la folie des grandeurs que Shane n'était pas méticuleux. La précipitation, c'était pas son truc, ça non. Sa mission ne tolérait pas l’échec, alors chaque pion devait être manipulé avec la plus grande attention. Petit souci néanmoins : son terrain de jeu, grandeur nature, n’avait rien d’un échiquier bien cadré. Pas de cases aux couleurs manichéennes. Pas de règles de déplacement bien prévisible. À la place, un chaos comme seule la nature humaine pouvait en générer. Un chaos qu’il allait exploiter, apprivoiser, contrôler. De la même façon qu’il avait procédé avec son pouvoir, petit à petit. Hayley le surveillait avec ses grands yeux bleus, toujours à guetter les effets secondaires, toujours à le ramener lorsqu’il s’égarait dans ses propres illusions, quand il se réveillait en hurlant le prénom d’Aria ou quand il criait, comme brûlé vif, comme s’il était là, avec les autres mutants, tandis que les Hunters les canardaient avant de mettre le feu à leur camp. « C’est de pire en pire », murmurait-elle, le nez dans son cou, blottie contre lui, comme pour le ramener à la réalité. « Tu ne peux pas continuer comme ça. » Et pourtant, il continuait, sans dévier. Sa dernière pièce d’intérêt, une pièce maîtresse et ambivalente qu’il avait découvert complètement par hasard, n’était nul autre que le légendaire Anderson Dawn. Après moult pattes graissées, il avait enfin obtenu un dossier édifiant sur le preux personnage. Mais ce qui l’intéressait davantage, c’était ses doutes, ses allégeances, ses motivations. Grosse aubaine : si Anderson avait brillé de mille feux sur son radar, c’était parce que Shane s’était mis en tête de faire suivre Eryn Blake par son caméléon. Si Eryn intéressait un peu trop tout le monde à son goût, il préférait de loin la maigre hypothèse que cette dernière soit en contact avec quelqu’un d’aussi bien placé chez les PK. Bon, il aurait bien voulu voir Aria, forme de curiosité malsaine, vestiges d’une relation toxique… Il ne faisait pas la fine bouche pour autant. Oui, Shane Coburn faisait feu de tout bois.Il avait fallu attendre des semaines avant de réunir les condition idéales pour tester Anderson Dawn. Prendre des forces, se trouver dans la bonne partie de la Seamy, au bon moment, choisir le lieu idéal sur un itinéraire potentiel (trois ratés déjà), soigner les illusions. Un bruit par-ci, un grésillement de radio par-là, et même les effluves fugaces d’un parfum bien connu. Que d’indices éparpillés pour déjà suggérer au subconscient de sa proie que oui, Eryn Blake était là. Bien entendu, il ne fallait pas que ladite Eryn Blake tombât sur lui, il avait donc fait en sorte qu’elle fût occupée loin d’ici. Déjà, son plan tomberait à l’eau. Ensuite, cette femme était terrifiante. Si Aria lui avait parlé de lui, elle serait peut être tentée de lui ficher une balle entre les deux yeux. Ou de la livrer à sa soeur. Il ne savait pas laquelle des deux possibilités le faisait vraiment frissonner.
Ah, voilà, il lui semblait entendre sa proie. Pourvu qu’il n se soit pas trompé, cette fois. Les illusions sonores étaient les plus faciles ; les sens en alerte, les gens avaient tendance à se laisser aisément influencer par l’ouïe. Alors, si la voix qui s’exclama dans un bruit sourd n’était pas très fidèle à celle d’Eryn, ce n’était pas très grave. Le bruit de corps qui s’affale lui arracha un bref sourire de satisfaction, tout de suite réprimé par une moue inquiète. Shane était un bon acteur.
Le suspens était à son comble. La proie était-elle bien là ? S’intéressait-elle vraiment à Blake ? Qu’est-ce qui les unissait ? Pourquoi ? Et surtout… Le piège allait-il se refermer sur Anderson Dawn ?
Dernière édition par Agent Mutagène le Jeu 9 Avr - 17:38, édité 1 fois |
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Anderson Dawn | First in Deed |
| Sujet: Re: How much do you care? | Mer 8 Avr - 23:52
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| Je n’avais pas eu de nouvelles d’Eryn depuis un bout de temps. En même temps, quelles nouvelles pouvais-je espérer ? Elle n’allait pas… Ou plus, en tous cas… Débarquer dans mon quotidien facilement. Depuis ma mise à pied, c’était la mort dans l’âme qu’on m’avait réintégré dans les rangs des PK. Mais plus en tant que chef, non, surtout pas. De toute façon, comme je l’avais prévu, le SWAT avait fini par être dissous. Trop de bavures, trop de dissensions. Non, j’étais un équipier comme un autre, et constamment surveillé par une espèce de petit Napoléon se prenant pour un grand parce qu’il avait été déployé plusieurs fois à l’étranger avant d’arriver ici. Evidemment, j’avais chapardé son dossier et constaté sans grande surprise qu’il n’avait jamais mis une fois le pied en dehors du luxe des bases américaines. J’avais presque hésité à dire non.
« Non »
Pour une fois, ç’aurait été un non. Pour une fois, un refus face à l’institution. Je ne l’avais jamais quitté, je ne lui avais jamais tourné le dos – enfin, selon mes principes – et là, j’avais été tenté de lui dire d’aller se faire foutre, et qu’elle n’aurait pas des problèmes d’effectifs si elle était capable de mieux gérer ses hommes.
Il faut croire que je suis trop prévisible, parce que j’avais rempilé, malgré la surveillance constante de mes collègues, et des regards de travers. J’avais accepté, parce que j’avais un plan. Et que j’avais besoin des ressources des PK pour l’exécuter. Alors j’étais passé outre. J’avais accompli mes missions en déposant mon cerveau à l’entrée. « Réfléchir, c’est désobéir ! » martelait mon sergent instructeur lors de mes classes. Je ne réfléchissais plus. J’essayais de ne pas regarder les mutants que j’enfermais. Je serrais les dents le soir, et je recommençai le lendemain.
Tout ce dont j’avais besoin, c’était de la retrouver.
Et j’y avais cru, plusieurs fois, au point où j’avais fini par conclure que je m’imaginais ces petits crachotements de ma radio qui me faisaient furieusement penser aux tapotements d’une Eryn affaiblie par une horrible blessure mais toujours combative pour m’appeler à l’aide. J’avais même cru l’entendre, une fois, faisant faire un long détour à ma patrouille pour du vent. Peut-être étais-je en train de devenir fou. Mais une chose était sûre : depuis la dernière fois que je l’avais vue, j’avais muri les choses, abandonné certaines idées folles et irréalisables, et je savais ce que je voulais. Et ça m’avait fait un bien fou. Avoir l’esprit clair et déterminé m’avait fait tenir, tout en me rendant plus concentré : les illusions dont je m’étais fait victime avaient disparues.
La prochaine fois serait la bonne. J’en étais sûr. Alors que je marchais lentement au pas de patrouille, écoutant l’autre jacasser sur sa vie alors que je serrais le petit fusil mitrailleur entre mes mains, mon regard parcourant les ruelles s’assombrissant de plus en plus en ce début de soirée, je m’arrêtais brusquement en entendant quelque chose. Une voix. Ou plutôt, un croissement. Puis le bruit sourd d’un corps qui tombe. Eryn ? Je n’en étais pas sûr, mais… Le quartier était celui où j’avais eu le plus d’indices de sa présence, et…
Jake me regarda, et commença à s’avancer vers l’immeuble d’où venait le bruit. Mon cœur piqua un sprint. Le sang battait si fort dans mes tempes que j’en fus un instant assourdi, voyant les lèvres de mon collègue bouger sans que cela n’ait de sens. S’il s’agissait bien d’Eryn Blake, alors… Alors c’était le moment, avant que cet idiot ne fasse son héros et ne tente de l’arrêter. Il fallait que je prenne une décision, ici et maintenant. Une décision qui, une fois prise, ne pourrait pas engager de machine arrière.
J’aspirais un peu d’air en entendant la fin de la phrase de mon équipier : « … entre. » J’avais fait mon choix. C’était Eryn de l’autre côté de la porte. Qui avait besoin de moi. J’eus un tout petit mouvement du menton, en direction des ombres derrière Jake. Le temps qu’il tourne la tête, et mes paumes claquaient ses oreilles, le choc de mes mains sur les os de son crâne me faisant expirer. Il s’écroula comme une marionnette désarticulée.
Pas de demi-tour. Pas de regard en arrière sur cet homme que j’abandonnais sur le trottoir. J’enfonçais la porte d’un coup de pied en entrant dans l’immeuble.
« Blake ! »
Mon cri où perçait trop d’inquiétude à mon goût fut accompagné de la lumière pâle de mon fusil sur la pièce que j’explorais méticuleusement, l’adrénaline pulsant dans mes veines alors que je cherchais frénétiquement l’être pour lequel je venais de tourner le dos à une vie d’instructions.
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| | Sujet: Re: How much do you care? | Jeu 9 Avr - 17:58
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| Allons donc. Anderson Dawn avait bien choisi le petit radar à mutant plutôt que ses copains les Peacekeers. Cela réjouissait Shane, mais une petite contrariété lui fit brièvement froncer les sourcils : là, derrière la porte, un corps inerte. Si Dawn avait toujours un poste important, alors il aurait simplement ordonné à son coéquipier de filer, non ? Tout ça n’augurait rien de bon.
Il mit ses inquiétudes de côté, cadenassant la parenthèse pour ne pas qu’elle entachât son jeu d’acteur, et son théâtre si méticuleusement préparé. C’était qu’il s’était approprié un rôle qui lui seyait à merveille : lui, l’amant éploré !
Peu à peu, les ombres qu’il avait invoquées s’écartèrent, laissant le faisceau éclairer la scène : lui, les yeux brillants de larmes, penché sur le corps d’Eryn, tremblant, ne prêtant attention à rien si ce n’était ces yeux grands ouverts, ces si beaux yeux… (En vrai, il préférait le regard chaud et envoûtant d’Aria, mais il refoula cette préférence bien loin à l’arrière plan, pour ne rien gâcher).
« Non, non, non, tout mais pas ça », marmonnait-il en glissant une main le long du visage de son illusion, l’autre désespérément pressée sur une plaie ensanglantée.
Shane avait le sens du détail, c’est ce qui faisait de lui un si bon illusionniste ; le coeur du mirage cesse de battre, le sang de s’écouler, le souffle de s’échapper. Le regard s’éteignit (il avait vu suffisamment de gens mourir pour que tout lui vint naturellement).
« Eryn ! »
Sa voix se brisa. Les larmes dévalèrent ses joues (mal rasées, spécialement pour l’occasion). Ses lèvres frémissantes vinrent déposer un dernier baiser sur le front de sa création.
C’était là que son pouvoir (ou bien le cerveau humain) faisait des merveilles ; lui-même ne voyait Eryn que comme il se l’imaginait (un pâle copie d’une femme qu’il avait aimé). Anderson, lui, devait voir l’ex-Delta comme ils s’en souvenait. Pire : la vision se nourrissait de ses cauchemars ; si une seule fois le l’ex-Peacekeeper (il y avait fort à parier qu’il avait perdu son poste lorsqu’il avait réglé son compte à son pote) avait imaginé la mort de cette femme, alors il interpréterait la vision à cette image, la rendant plus réaliste. Exemple tout bête et plausible : Shane ne voyait qu’un visage livide et immaculé. Anderson Dawn, lui, la sachant combative, ne l’imaginant pas mourir sans s’être défendue bec et ongles, voyait peut-être des écorchures sur son visage, d’autres blessures que celle qui lui avait été fatale.
Voilà, Shane se réjouissait de toutes ces petites choses bien pratiques. Il avait beaucoup souffert pour tester les limites de son don. Beaucoup de contrecoups débilitants. Beaucoup de bile versée. Mais ça en valait vraiment, vraiment le coup.
Il prit le parti d’ignorer complètement le nouvel arrivant, comme si, sans Eryn, le sort ne lui importait plus.
« Me laisse pas », fut le seul murmure brisé, souffle rauque qui s’échappa d’entre ses lèvres, tandis qu’il prenait les mains de son aimée fictive, tout en enfouissant la tête dans son épaule encore tiède.
Sous l’ombre de ses paupières closes, son regard riait de son génie, tandis que son dos tressautait sous l'assaut de son chagrin.
Il avait grand hâte de voir la scène suivante de cet acte jusque-là rondement mené.
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Anderson Dawn | First in Deed |
| Sujet: Re: How much do you care? | Jeu 9 Avr - 21:44
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| Il y avait deux personnes dans la pièce sombre. L’une, incontestablement, était Eryn. L’autre, un inconnu. Evaluant la situation de façon professionnelle, c’est-à-dire, calme et détachée alors tout ce que j’avais envie de faire était de me jeter sur elle pour comprimer sa blessure, je déterminais qu’il n’était pas – encore – hostile. Mais la personne responsable devait toujours être dans les parages. J’avançais de trois pas, fusil levé vers les ombres. Je savais ce que je devais faire. Ou ce que j’étais censé faire. Examiner les recoins de la pièce, voire même l’étage au-dessus, m’assurer que la situation était sans danger avant de m’occuper de la blessée.
Mais juste un coup d’œil, juste pour évaluer la gravité de ses blessures, où était le mal ?
J’en eus le souffle coupé. L’affreuse blessure avait maculé ses vêtements de sang, et je sentis mon cœur chuter dans ma poitrine. Je dus faire un effort pour ne pas lâcher mon arme… Mais non. J’en étais incapable. La mitraillette tomba au sol en un cliquetis métallique. Mes mains tremblaient. Le souffle court, ma vision était réduite en une focale si ridiculement réduite sur son corps que je me demandais un instant où était passé l’autre type.
Une petite partie de mon esprit, enfouie, commença à se poser des questions. Qui était-il ? Et pourquoi semblait-il si… sous le choc ? Qui était-il pour elle ? Pourquoi avait-il embrassé son front comme ça ?! Eryn ne me devait rien, et certainement pas sur sa vie sentimentale, mais…
Je balayais ces considérations aussitôt. Je m’en foutais. Eryn se vidait de son sang, et je n’allais pas rester les bras ballants simplement parce qu’un de ses soupirant était à son chevet ! Je tombais à genoux, le poussant sans ménagement alors qu’il venait de lui prendre sa main.
« Dégage. »
Le verbe, autoritaire, froid, ne souffrait aucune protestation. Je posais une main gantée sur sa blessure, essayant d’évaluer son état aussi rapidement que me le permettait mes gestes répétés mille fois. Inconsciente. Blessure au thorax, plaie sifflante. Mais il n’y avait plus de souffle qui contractait sa poitrine, et qui l’aurait fait hurler de douleur. Elle aurait eu mal, certes, mais elle serait en vie.
Ma vision, toujours étriquée, passa sur les événements comme un appareil photo en mode rafales. Mes doigts déchirant avec peine une compresse. Nettoyage rapide de tout le sang qui la couvrait. Trois bouts de sparadrap pour les coller sur elle. Et puis, mes lèvres sur les siennes, essayant de lui insuffler la vie. La pencher sur le côté. Le liquide s’écoulant lentement de sa plaie. Mais uniquement parce que je forçais ses poumons inertes à accepter de l’air qui ne lui servait à rien. Son poumon reprenait peu à peu forme, je le savais, chassant à chaque insufflation le sang qui l’empêcherait de respirer correctement, mais au fond, je savais. Je l’avais vu trop de fois pour ne pas savoir. Mais je continuais, encore et encore, inlassablement, avant de prendre délicatement le haut de son corps entre mes bras pour la serrer fort contre moi, sa peau glacée me faisant l’effet d’un électrochoc.
Je n’avais pas pleuré depuis longtemps. Et pourtant, là, j’étais agité de sanglots, la serrant toujours plus fort comme si ça allait la ramener à la vie. Tout ce j’avais imaginé, tout ce que j’avais prévu, tout ce dont j’avais pu rêver… Envolé. Non. Arraché. Mon visage se serra. J’aurais voulu me recroqueviller dans un coin, mais il y avait un témoin. J’aurais voulu afficher un masque froid et distant, mais il y avait un témoin. Un témoin qui avait probablement vu ce qui était arrivé. Et la rage m’envahit, une colère froide comme je n’en avais jamais connu. Pas une colère incontrôlée, qui me ferait frapper les poings sur les murs, non… Au contraire. C’était pire. Le sang pulsait dans mes veines si vite que les idées arrivaient à toute vitesse, fusant dans ma tête pour exprimer ce qu’il me restait à faire avec une clarté incroyable.
Je me redressais, son sang maculant mes vêtements en la prenant dans mes bras, l’image de son visage inerte tombant de mes bras se gravant au fer rouge dans ma mémoire.
« Je vais l’enterrer. »
Ma voix, enrouée comme si j’avais hurlé, me parut étrangère.
« Ensuite, tu me diras qui est le fils de pute qui a fait ça. »
Inutile de dire ce que je comptais faire. S’il l’avait aimé, il savait parfaitement. Avançant dans la pièce qui me sembla encore plus sombre qu’avant que je n’y entre, je me dirigeais vers la ruelle. Je me foutais qu’on me voit. Je savais où aller. Derrière l’église de notre dernière rencontre. Le visage fermé, je me mis à avancer, comme un automate, essayant de ne pas regarder sa tête dodeliner à chacun de mes pas sans que sa fierté ne la fasse plus jamais se redresser.
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| | Sujet: Re: How much do you care? | Ven 10 Avr - 9:52
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| Shane n’eut pas à faire beaucoup d’effort pour avoir l’air hébété et sous le choc. Dans sa caboche, les rouages s’étaient mis en branle, son sang battait dans ses tempes, ses mains tremblaient. Une fois n’était pas coutume, il avait une conscience aiguë d’un fait peu comment : il avait commis une erreur.
Son faux pas amenait son lot de bonnes nouvelles ; Anderson Dawn était un pion de choix. Une pièce maîtresse et sacrifiable, capable de tout, si on lui donnait les motivations pour. En cela, l’expérience s’avérait délicieusement satisfaisante. Mais un pion définitivement dangereux, qui allait le buter à la seconde même où il réaliserait avoir été manipulé. Ah, la passion…
Comment vais-je me sortir de ce pétrin ? s’interrogeait le mutant alors que Dawn quittait les lieux avec son fardeau ensanglanté factice.
Encore quelques pas, et il se retrouverait les mains vides, hors de portée de Shane et donc de ses illusions. Encore quelques pas, et il ferait demi-tour comme un fou furieux pour demander des comptes. Le temps était compté.
Il se passa une main derrière la tête, perdu dans ses pensées, les yeux rivés sur la silhouette qui s’éloignait. Fuir serait le plus avisé, mais fuir signait la fin de son plan. Un gâchis de ressources et de temps qu’il ne voulait pas s’accorder. Shane était patient et méticuleux jusqu’à un certain point uniquement : chaque jour, des mutants mouraient. La révolution était nécessaire et primordiale.
Bon, quelles étaient ses autres options, alors ? Assumer son acte était suicidaire, vraisemblablement. Le type venait quand même de mettre son coéquipier hors d’état de nuire. Il n’était pas sûr que de promettre un mutant capable d’effacer la mémoire du Peacekeeper pourrait peser suffisamment dans la balance pour lui sauver les miches. Nope.
Restait la comédie. Ça lui connaissait bien, la comédie. Il savait faire. Il improvisait de façon fort pertinente. Mais les meilleurs jeux devaient se parer d’une part non négligeable de vérité. Rien ne servait mieux la mise en scène que cet authenticité viscérale, la souffrance humaine. Shane se résigna.
Soupir. De ces longs souffles qu’on exhalait avant de se préparer à mettre la main au feu. Ou s’amputer un membre. Oui, ce genre de souffle tremblant et déterminer, avant d’affronter cette humiliation singulière : avoir des spectateurs lorsqu’on se trouvait au plus bas. C’était de bonne guerre : il venait d’être témoin du chagrin dévastateur de son futur pion, il pouvait bien lui faire l’honneur de s’abaisser à son niveau. Histoire d’équilibrer un tant soi peu le rapport de force.
C’était décidé. Juste à temps parce que le cadavre fictif venait de se volatiliser des bras de l’ex-Peackeeper. Shane en généra un nouveau, différent cette fois. Il y mit le paquet, son pouvoir l’épuisant peu à peu, la sueur perlant sur son front, des larmes de douleur remplissant ses yeux. Une Eryn disloquée et brûlée. Il s’appliqua encore : l’odeur piquante et poisseuse de la poudre sous celle, plus écoeurante, de la chair brûlée. Mais moins réaliste aussi ; quelque-chose clochait (volontairement) dans sa vision, des parts d’ombres qui ne collaient pas, une opacité tremblotante. Comme si son pouvoir nouvellement inventé lui échappait. Comme si au deuxième regard, l’oeil exercé de Dawn pouvait voir à travers les illusions. Ce qui était tout à fait faux, du moins, en partie.
« Non, non, non... », reprit-il.
Paraître fou n’avait rien de compliqué. Il était déjà fou de douleur. Il avait l’impression que ses poumons se liquéfiaient, mais il tint bon, il devait tenir bon jusqu’à ce qu’Anderson Dawn put voir sa création, bien l’imprimer sur ses rétines, s’interroger sur la nature de son pouvoir.
Alors seulement il relâcha tout, se relevant précipitamment pour vomir une bile perlée de sang dans un coin de la pièce. Ça faisait un mal de chien, il aurait voulu se rouler en boule dans un coin et se laisser bercer par des songes doucereux jusqu’à ce que la souffrance refluât. Il ne se l’autorisa pas, se plongeant dans un peu plus dans son personnage, frappant du poing contre le mur, se tenant la tête entre les mains, répétant des bribes de phrases malhabiles.
« Comment la sauver ? », pouvait-on entendre parmis celles-ci.
Mais surtout, le coup de grâce :
« Comment changer ce futur ? », reprit-il. |
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Anderson Dawn | First in Deed |
| Sujet: Re: How much do you care? | Dim 12 Avr - 18:11
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| Mes pas sont lourds. Mon esprit, étrangement vide. Vidé serait plus exact. Je ne sais plus quoi penser, plus où aller, je ne sais plus ce que je suis censé faire. Comme si, maintenant que j’avais plaqué avec autant de style toute l’institution qui me donnait des ordres depuis si longtemps, je n’avais plus aucun repère. Non. J’en avais un. Une boussole. Mon phare au milieu de la nuit. Et voilà que cette lumière s’était éteinte avant même que je ne puisse m’y réchauffer. Avant qu’elle ne puisse me guider. Maintenant, je savais que j’allais droit vers les rochers… Et je savais que je ne ferais rien pour dévier de ma course.
Eryn… Pourquoi t’étais-tu fourrée dans un tel pétrin ? Qui donc t’avait injustement pourchassé et mortellement blessé ? Pourquoi n’avais-je pas pu réagir à temps ? Pourquoi… ? Toutes ces questions auxquelles je devais désormais faire face, dans de longues nuits sans sommeil, où je pourrais réécrire encore et encore avec des si le château de cartes que j’avais si soigneusement construit. Château impitoyablement balayé par la réalité. Les chevaliers n’existent plus. Et croire que l’histoire que j’avais voulu, désiré de chaque fibre de mon être, aurait une fin heureuse était une immense connerie.
J’avais connu trop de camarades, Eryn, pour ne pas comprendre ce qui m’arrivait. Comme amputé, je sentais toujours ta présence, malgré ton absence. Il y avait tant de choses que j’aurais voulu te dire, tant de moments que j’aurais voulu vivre, et tout cela avait été réduit à néant. J’avais pourtant cette impression d’être guidé par une sorte de destinée avec nos rencontres fortuites et pourtant, chaque fois que la police avait failli te tomber dessus, j’avais été là. Comme si la plume d’un auteur guidait nos pas l’un vers l’autre. Mais non. Je m’étais trompé sur toute la ligne. Je n’avais jamais connu ce côté bien trop sentimental de moi-même, mais j’aurais aimé le découvrir. A présent, je n’avais plus qu’un grand vide, et l’impression de marcher au bord d’un précipice.
Je mis une très longue seconde à comprendre ce que mes yeux me montraient. Ça c’était passé si vite que je n’étais même pas sûr que je n’étais pas en train de rêver. Un instant, elle était là, l’autre non. Mes doigts bougèrent, lentement, comme si je pouvais encore la toucher, mais ils ne rencontraient que le vide.
« Que… ? »
Je balbutiais avec incrédulité, alors que d’autres images d’Eryn se succédaient, comme un mauvais film d’horreur au budget limité. Comme de mauvais graphismes sur un projet scolaire. Malgré les visions horribles d’une Eryn brûlant entre mes mains, malgré la chaleur insoutenable qu’elle dégageait, j’étais bien incapable de la lâcher : mes muscles étaient tétanisés par ce que je voyais, et la voix de l’autre inconnu retentit de nouveau derrière moi, comme s’il comprenait ce qu’il se passait. Et puis, elle disparut tout à fait. Comme évaporée entre mes bras.
Je ne comprenais pas. Mais une chose était sûre : je devais comprendre, si je voulais garder un peu de santé mentale. J’avançais vers lui, mes jambes me donnant l’impression de peser des tonnes. Ses réactions, Eryn, tout ce qui venait de se passer, tout ça n’allait pas ensemble. Je posais ma main droite sur mon holster en arrivant à quatre pas de lui, suffisamment proche pour l’entendre distinctement marmonner.
Mon cœur s’arrêta net.
Je n’étais finalement pas dans un roman médiéval, ni dans un film d’horreur. Pire. Quelle sauce de science-fiction était-il en train de me sortir ? C’était ridicule. Je ne pouvais pas y croire. Changer le futur ? Et puis encore ? Quelles inepties allais-je devoir écouter ?
…
Sauf que s’il y avait la moindre petite chance qu’Eryn ne soit pas… Morte… Je le pris par une épaule. Durement. Et je le forçais à me faire face. Mon pistolet se hissa d’un centimètre de son étui, plus par habitude que par réelle volonté de le menacer.
« Où est-elle ? »
Ma question semblait idiote, mais c’était la seule qui m’importait. Avisant peut-être enfin que nous étions en plein milieu de la rue, je le conduisis sans ménagement au hasard d’un hall d’appartement, le forçant à s’asseoir sur une marche, restant debout face à lui.
« Tu vas me dire ce qui se passe, maintenant, où je te jure au nom de Dieu que je vais t’arracher tout ce que tu sais dent après dent. »
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| | Sujet: Re: How much do you care? | Dim 12 Avr - 21:06
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| Shane eut un mouvement de recul, comme s’il réalisait seulement à cet instant la présence de son interlocuteur. Un Peacekeeper qui plus était. Il leva les mains en signe de reddition feinte, tout en jetant des regards affolés autour de lui :
« M’embarquez pas », supplia-t-il de façon fort pitoyable. Ah ! Comment une femme comme Eryn Blake aurait pu s’amouracher de Shane, si fragile ! Voilà de quoi instiller un soupçon de doute dans l’esprit de l’ancien chef du SWAT. Cela n’en restait pas moins un calcul finaud de la part du mutant qui espérait ainsi jouer sur l’instabilité psychologique de son personnage. Yep, il excellait dans les pirouettes émotives (et pas parce qu’il était vraiment instable, hein, juste parce qu’il était passionné), et il allait pouvoir s’en donner à cœur joie, sous le prétexte d’être un peu étourdi par son pouvoir qui se développait de façon inattendue. Ah, entrevoir les futurs possibles ! S’il existait vraiment un mutant doté de tels talents, il fallait qu’il lui mît la main dessus sans plus tarder.
Mais revenons à nos moutons. Il semblait que la brute qui lui faisait face s’exprimait de nouveau, en termes directs et… Quoi ? Lui arracher les dents ? Et qu’adviendrait-il de son sourire charmeur, de son charisme rayonnant, s’il n’avait plus une dentition parfaite pour compléter sa panoplie de posterboy ? La menace faisait clairement froid dans le dos. L’expression horrifiée que Shane afficha était donc tout à fait authentique et à propos.
Bien, des menaces, donc. C’était toujours mieux qu’une balle dans le genou ou un bras cassé. Ou, euh, la mort. Cela voulait dire également qu’il était sur la bonne voie. Le plan avait un tantinet déraillé, mais rejoignait petit à petit la ligne conductrice.
« Eryn ? » demanda-t-il, d’un ton un peu plus farouche, de celui qui se refusait de livrer les siens, même sous la torture ? (Ce n’était pas une pression sur l’épaule et une arme dégainée qui allait faire flancher Shane de toute façon).
Puis il plissa les paupières, comme pour plonger dans ses souvenirs, comme pour replacer le Peacekeeper dans le contexte de sa fausse vision. Un éclair de compréhension illumina son visage :
« Ah, vous étiez vraiment là… », souffla-t-il, comme honteux. « Je ne maîtrise pas bien mes pouvoirs, je… suis confus. (Il n’allait pas s’excuser non plus.) Ce n’est pas encore arrivé. Elle va bien. »
Il était donc temps de faire reprendre du poil de la bête à notre Shane, pour mieux évaluer son pion ; il avait manqué un peu de contrôle, mais avait tout de même agi de manière méthodique jusque-là. Shane devait en apprendre davantage pour fignoler son plan.
Se figurant que Dawn n’allait pas lui tirer dessus ni lui arracher de dents ou autres parties de son corps parfait dans l’immédiat, il se dégagea de sa poigne d’une ruade sèche.
« Et vous êtes ? »
Voilà, il s’était redressé comme pour toiser son adversaire (ce qui était un peu ridicule, il le savait bien, mais bon, un rôle et un rôle), rendant la question sous-jacente plutôt évidente pour tout esprit un tant soit peu éclairé : qui était-il pour Eryn ? Il pencha la tête sur le côté, avisa l’acolyte toujours inconscient, et arqua un sourcil terriblement sarcastique : il n’était pas le seul à avoir des comptes à rendre sur la situation pour le moins déroutante.
Voilà, l’évolution lui semblait toute calculée ; il paraissait instable, affaibli, mais reprenant des forces. Il s’était montré vulnérable, mal à l’aise, mais grignotait du terrain. Instable, mais pas dément. Le rapport de force, inégal en apparences, ne jouait pas en sa faveur, mais il tenait bon. Alors alors, Anderson Dawn. Ton univers se résume-t-il à Eryn Blake, ou es-tu un véritable sympathisant de la cause mutante ?
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Anderson Dawn | First in Deed |
| Sujet: Re: How much do you care? | Mar 14 Avr - 14:47
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| Il testait ma patience et ça n’était pas bon pour lui. Je ne voulais pas vraiment lui faire du mal, mais il avait intérêt à avoir vite des réponses. Enfin… Si, quelque part, j’avais une folle envie de le cogner pour sa relation avec Eryn, mais j’avais encore suffisamment de contrôle sur moi pour empêcher mon poing de s’écraser sur sa joue. Mais pas assez pour l’empêcher de se serrer sur son épaule, comme si je voulais la broyer, au point d’en faire blanchir mes jointures sous mon gant de cuir souple.
Depuis ses folles déclarations, mon cœur battait plus vite et j’avais l’impression d’étouffer de chaleur dans mon uniforme en dépit de la fraîcheur de la soirée. Bordel, je lui aurais filé des claques si je n’étais pas convaincu que cela ne ferait que retarder les réponses que je voulais avoir de ce lunatique. Il prononça son prénom, et je me sentis envahi d’une bouffée de colère que j’eus du mal à réprimer.
« Bien sûr que oui, Eryn, qui d’autre bordel ? »
Et puis, enfin, des mots qui avaient du sens et qui me firent brusquement expirer. Eryn était vivante. Vivante. Mon soulagement était palpable, et ma prise sur lui se desserra presque tout à fait. Ce que je regrettais évidemment quand il se dégagea avec aisance, alors que je n’avais pas fini de lui poser toutes les questions qui fusaient maintenant dans ma tête. Malgré l’air hostile que je lui affichais, détestant sa position de défiance face à moi, je ne pouvais m’empêcher de respirer un peu mieux.
Un peu seulement. Parce que, deux choses. L’une, je n’arrivais pas à me détacher des images dont j’avais été le témoin, ni des sentiments qui m’avaient envahi. Ma gorge me brûlait toujours, et je n’arrivais peut-être pas encore à bien tout prendre en compte. Les sensations avaient été trop réelles pour qu’elles s’effacent en un clin d’œil. Comme les expériences sensorielles où on faisait croire au corps qu’on se blessait alors qu’il n’en était rien, même après avoir compris la supercherie, le cerveau continuait d’envoyer des filaments de douleur dans nos nerfs.
De deux, si Eryn n’était pas… morte… Elle était, ou plutôt, elle serait en danger.
« Ta gueule, dis-je, diplomate. Où est-elle ? Et quand ce que j’ai vu va se produire ? Répond, et vite. »
Oui, c’était probablement contradictoire, mais je n’en avais rien à foutre. Je n’avais aucunement envie que ce mutant aille raconter à tout le monde qu’un Peacekeeper voulait protéger Eryn Blake, mais je n’y pouvais rien. En revanche, je pouvais l’empêcher de raconter que ce PK s’appelait Anderson Dawn… Je n’avais besoin que de ces deux informations pour filer la mettre au parfum, et m’assurer que ça n’arrive pas. Je n’avais aucunement envie de faire ami-ami avec lui, même si son pouvoir semblait bien utile à bien des égards… Mais il me ralentirait trop, sans aucun doute. Rien ne m’empêchait de revenir le chercher plus tard, après tout. Je ne comptais pas le livrer à l’autre imbécile piquant un roupillon au milieu de la rue…
Mais Eryn était vivante. Le reste n’avait plus d’importance. Je pouvais relancer mon plan. Avec quelques ajustements, mais je ne m’étais pas attendu à ce que ce soit facile. Mais au moins, j’avais une direction. Elle était vivante… Et plus que jamais en danger. Alors je n’allais pas le laisser tranquille tant que je n’aurais pas ce que je voulais. Il s’était redressé ? Je connaissais l’exercice par cœur. Bombant le torse, j’avançais d’un pas vers lui pour le pousser en arrière. La brute classique pour intimider. Sauf que les petites brutes n’avaient ni mon entraînement, ni mon arme sur le côté. Tu voulais jouer au dur ? Il allait falloir assumer, parce que je ce dont j’avais besoin maintenant, c’était d’un gentil toutou, et pas d’un molosse cherchant à asseoir son autorité. Ce dont j’avais besoin maintenant, c’était de sauver Eryn de son destin… Pour son bien comme pour le mien, pour la sauver et pour effacer sa mort de ma mémoire.
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| | Sujet: Re: How much do you care? |
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