Spoiler:

La Seamy Area, encore toute jeune, déployait son manteau suffocant de poussières et de gravas.
À peine deux mois ont passé depuis la catastrophe.

Sonya évolue dans ce milieu avec l’étrange sentiment de n’être plus qu’une biche égarée, terrifiée. Le moindre son fait naître en elle ce désir viscéral de prendre ses jambes à son cou. Son cœur s’affole au moindre mouvement. Nerveuse, elle plante machinalement ses ongles sales dans les paumes de ses mains, répète le mouvement, encore et encore.

Il faut qu’elle sache.
Une toute autre peur l’anime, bien plus forte que celle d’être capturée. L’inquiétude lui dévore les entrailles et le sentiment de manque, ce vide insatiable qui noircit son cœur, refuse de s’estomper.

Pourtant, en levant le nez, en attendant une froide pluie d’automne qui, peut-être, rappellera la poussière à la terre, elle sait que la situation ne s’améliorera pas.

Arrivée au point de rendez-vous, elle lance un regard furtif dans la rue où se vautrent les débris et la suie d’une maison incendiée par quelques pillards bien des jours plus tôt.
Elle se mord la lèvre inférieure en repérant une silhouette.
Ennemie ?
Alliée ?
Personne convoquée ?

Sonya sert son sac à dos contre elle et s’avance, méfiante et désemparée à la fois. Elle ne songe même pas à l’image peu glorieuse qu’elle donne d’elle-même, ainsi échevelée, son T-shirt froissé et maculé sous sa veste en cuir, ses bottes rongées par les intempéries.

Elle attend que l’autre se présente en silence, pour ne pas prendre le risque de révéler la raison de sa présence à une parfaite inconnue.

Après tout, elle porte au poignet une montre pour enfant d’un jaune éclatant, preuve de son identité comme le stipulait son message.

La femme la trahirait-elle ?
Bien que voleuse, si elle ne faisait pas partie des infectés, elle pourrait se retourner contre elle.

Secondes qui s’égrènent.
Angoisse grandissante.
Et le silence.

Air exhalé.
Soulagement.

Sonya se décrispe légèrement.
D’un regard curieux, presque félin, elle détaille la nouvelle arrivante.
Elle a l’air si déterminée, si sûre d’elle !
Un brin de jalousie l’étreint.
L’envie.

Elle s’ébroue mentalement et hoche la tête, cherchant à reprendre le contrôle sur ses émotions. Ne pas avoir l’air intimidé. Elle va devoir survivre dans ces conditions, après tout. Elle doit survivre. À tout prix.

Bien, Kendall allait droit au but.
Une qualité que Sonya apprécie. Elle ne peut se permettre de traîner trop longtemps au même endroit. Dans un geste nerveux, Sonya se tord les doigts, encore incertaine de la conduite à suivre. Le souvenir lointain, l’écho d’un éclat de rire semble, enfin, lui rappeler son but premier.

« Je… Oui. Je me demandais si vous accepteriez de récolter des informations sur quelqu’un. »

Son ton hésitant au début a gagné en assurance au fil de la phrase.
Pourtant, une certaine incertitude demeure. Est-ce bien prudent ? Ne peut-elle pas exiger plus ? Orchestrer un enlèvement, combler enfin le néant qui l’habite, faire taire l’insupportable sentiment de perte qui hurle dans son âme ?

Elle se ravise.
Musèle ses désirs inconcevables.

À la place, elle ne lâche pas son interlocutrice des yeux, faisant enfin preuve du courage et de la détermination qui devraient la caractériser plus tard. Parce que, si pour l’instant elle est déstabilisée, Sonya n’en reste pas moins une femme forte, dominée par l’impulsivité, poussée par les émotions les plus fortes, parfois dévastatrices.

« Cible. »
La désignation lui donne froid dans le dos.
Creuse un peu plus l’écart entre elle et la civilisation.

Les gens de l’autre côté du mur étaient-ils tous des « cibles » à abattre ? Être mutante signifiait-il cracher sa rancœur, se terrer ou combattre ? Sonya ne sait plus à quoi s’en tenir. Son interlocutrice vit dans la Bright – c’est flagrant à sa tenue – et pourtant se meut dans son métier de criminelle avec aisance. Elle reste attentive à son environnement, experte en rencontres clandestines tandis que Sonya, elle, ne sait plus où donner de la tête.

Elle se tort les mains une fois de plus.
La montre flashy est bien trop voyante, la met mal à l’aise.

Le silence s’étire, presqu’oppressant.

Enfin, elle se jette à l’eau :

« C’est… quelqu’un qui vit dans la Bright. Elle s’appelle Lisa. Lisa Ashlow. »

Sonya déglutit difficilement.
Si la fameuse Kendall a bien fait ses recherches, elle doit déjà savoir que sa cliente se nomme Sonya Ashlow. Même si le désir de demeurer anonyme se perçoit comme un rempart sécurisant, elle doute, néanmoins, que la Panthère travaille pour une inconnue.

Le lien de parenté est évident.
Les déductions aisées.

Les mots restent coincés dans la gorge de la mutante, la crainte lui tenaille les entrailles à nouveau. Et si Kendall refuse ? Après tout, ce n’est pas là une mission d’envergure. Il ne s’agit pas d’espionnage industriel, ni de vol qui requiert une considérable subtilité. C’est à peine le travail d’un vulgaire détective privé de bas étage. Pas d’une voleuse de renom.

Pourtant, avec la situation actuelle, comment se fier à un détective ?
Paradoxalement, une voleuse lui inspire davantage confiance.

La question posée une seconde fois fini par tirer Sonya de ses pensées.

Ce qu’elle voulait comme information ?
Qu’était-elle en droit de savoir, elle, mutante ?

« Tout. Je veux tout savoir. Qui est son gardien légal. Dans quelle école se trouve-t-elle à présent, où vit-elle, ce genre de choses. »

Lisa n’a qu’une dizaine d’années.
C’est un peu jeune, pour se retrouver orpheline.
À cette pensée, un étau glacé étreint le cœur de Sonya. Elle détourne le regard quelques instants, reprends son souffle, ravale sa honte d’afficher ainsi sa faiblesse. Elle n’avait plus le droit d’être faible.

Puis, ne se souciant guère du manque de précision de la demande – elle compte vraisemblablement sur la vivacité d’esprit de la voleuse – Sonya bondit sur le sujet suivant qui, franchement, relève d’un tout autre souci.

Encore plus mal à l’aise, elle recommence à se tordre les mains avec angoisse.

« Quel genre de… paiement acceptez-vous ? »

Elle n’ose même pas parler de tarif.
Sonya, à cause de son statut de fugitive, n’a plus accès à ses comptes. Tout a dû être légué à Lisa… Du moins l’espère-t-elle ! Elle ne saurait que faire si jamais quelqu’un abusait de ses économies… Un frisson glacé parcourt son échine.
Elle glisse distraitement une main dans sa poche, effleurant du bout des doigts son dernier bien.

Des remerciements fébriles meurent sur les lèvres de Sonya, encore trop hésitante sur la conduite à tenir. Néanmoins, son regard brille d’une reconnaissance qu’elle sait pourtant présomptueuse : après tout, elles n’ont pas encore décidé du paiement…

Lentement, elle retire la main de la poche de sa veste en cuir, tenant les clés de ce qui fut son appartement autrefois. Hautement sécurisé, situé dans la Bright, il est actuellement inoccupé ; Sonya et Lisa avaient emménagé six mois auparavant chez le copain de cette dernière.

« Pour être franche, je n’ai plus grand-chose. Et pas tellement de liquide. »

Les mots lui coûtent, mais il est inutile de mentir.
D’un geste incertain, elle tend la main, les clés se balançant au bout de ses doigts dans un cliquetis timide.

Elle s’explique.

« Ce sont les clés de mon ancien appartement. Il y reste des bijoux, du matériel de valeur, et une voiture au garage… »

L’intérêt en lui-même n’est pas la voiture, mais le carburant qu’elle contient, dont le prix va flamber sur le marché noir ; la denrée en voie de disparition s’arracherait prochainement à prix d’or.

Sonya n’a aucune idée du prix d’un tel contrat.
Elle se doute, néanmoins, que son offre est plutôt décalée. Son appartement vaut bien plus, il peut faire une planque intéressante, peut couvrir quelqu’un. Les gens comme Kendall ont probablement des clients qui ont des choses à cacher… Et puis, ce qui se trouve à l’intérieur devrait suffire à payer de toute façon, non ?

« Cela vous conviendrait ? »

Elle ne peut empêcher l’espoir d’imprégner le filet de voix qui lui échappe.
Et en même temps, elle espère plus, tellement plus, un ange gardien pour garder un œil sur sa précieuse Lisa.

Soupir de soulagement.

Si Sonya se sent légèrement flouée, si elle trouve le prix bien cher, elle n’en montre rien. Ce n’est pas comme si le contenu de son appartement lui était d’une grande utilité et, en tant que mutante, elle ne croit pas trop à la fin de la quarantaine. Par pour elle. Pas pour ses semblables. La possibilité d’une guérison lui semble si peu probable…

Elle chasse ses sombres pensées, plonge une main dans la poche intérieure de son blouson de cuir cette fois.

Elle en sort une carte de visite, sur laquelle est indiquée son adresse.
Depuis la naissance de Lisa, elle travaille à domicile…
Enfin, travaillait.

Deux semaines…
Ça paraît si loin !

Pourtant, Sonya n’est pas stupide, elle se doute bien que ces choses-là prennent un temps considérable. Elle espère, seulement, qu’au terme de ces deux semaines, elle serait toujours là pour récolter les informations tant voulues… Et si une patrouille de Peacekeepers lui mettait la main dessus ? Si elle était victime d’un accident ? Si elle s’avérait incapable de survivre, dans les quartiers délabrés et abandonnés suite à la catastrophe ?

Elle ravale ses doutes, puis opine du chef, toujours animée par ce mélange fébrile de détermination et de crainte.

« Le contact ne… va pas être aisé », avoua-t-elle à mi-voix.

C’est particulièrement difficile d’user de téléphones, dans la Seamy : traqués, les mutants ne peuvent pas tellement se permette de posséder un portable. Sinon, elle appellerait Lisa tous les jours…

« Mais nous pouvons effectivement nous donner rendez-vous dans deux semaines. »

Sa voix transpire une reconnaissance pourtant mêlée d’abattement.

« Avez-vous besoin d’autre chose ? »

Elle regarde autour d’elle d’un air inquiet, se demandant si elles ne s’attardent pas trop…

Sonya se détend un peu, rassurée que la voleuse comprenne ses ennuis.
Il n’y a probablement pas besoin de l’éclairer sur sa situation de mutante en cavale : les temps étaient plutôt troublés, à San Francisco.

Elle acquiesce donc, esquisse un sourire timide, fort peu professionnel, mais qui trahit tant le soulagement que la reconnaissance. Une pointe de méfiance se niche toujours en elle ; après tout, la femme qui lui fait face pourrait très bien la rouler. Mais tant pis, c’est un risque qu’elle est prête à prendre, qu’elle a considéré depuis le départ de cette entreprise.

Sonya tend la main à Kendall pour la serrer, pour sceller le contrat :

« À bientôt, alors. Merci. »

Puis elle se détourne, s’en retourne aux ombres de la Seamy Area, à sa vie périlleuse de fugitive, un espoir frétillant en elle : elle saurai bientôt comment se porte sa fille.

Il s'avèrera que Blair ne reverra jamais Sonya. Cette dernière sera incapable de se rendre au rendez-vous deux semaines plus tard, et, peu de temps après, elle sera capturée par les Peacekeepers et conduite à Alcatraz.

Blair a mené cette mission pour rien - du moins, à son seul bénéfice, puisqu'elle a été payée en avance - et en gardera peut-être un goût amer. Le mystère autour de Sonya est moindre, pour elle : elle sait ce qui lui a été arraché. Alors, quand la Détenue 47 s'échappe, que ressent la voleuse ? Et quand elle réalise que le dossier sur Lisa Ashlow a disparu de chez elle ?

Une dernière réponse pour faire le tour de ces réactions est requise pour relever le défi avec brio, et recevoir des récompenses !

Défi Terminé !

Félicitations, tu es venue à bout de ce rp !
Tu recevras des 50 points bonus et un petit mp sous peu...

N'oublie pas que tu peux demander un cadeau supplémentaire en te baladant dans la Notice Board... ;)